La gazette de Lythuste
Vestiges du Grand Monde - Récits d'un vieux scribe… et de son apprentie.
Qui diable m'a affublé d'une scribette aussi peu respectueuse de mon vieil âge? À croire que les divinités se jouent de moi depuis que ma barbe touche mon nombril et que mon crâne rougit au moindre rayon de soleil! Pauvre de moi. Et comme si cela ne suffisait pas, ma mémoire m'échappe, telle la fumée des cheminées de Rosergoth! Heureusement, je sais lire et écrire!
Ce grimoire compensera mes lacunes, et les siennes (à la jeunette). Une sorte de transfert de compétences, en quelque sorte. Alors, voyons voir… Par quoi allons-nous commencer? Ah, voilà! J'ai trouvé.
Asseyez-vous, et abreuvez-vous du Savoir de nos Ancêtres…
Lors de mes récentes recherches (relatives notamment aux origines du Grand Monde), j'ai pu mettre en lumière quelques précisions relatives à deux des trois éléments constitutifs de nos royaumes.
Tout d'abord, le fait que la brume et l'eau aient contenu la magie et les cristaux nécessaires à la formation d'Eveth (et par la suite d'Harag).
Ensuite, que les divinités ne sont en fait que le résultat de l'agglomérat des trois éléments constitutifs du monde tel que nous le connaissons aujourd'hui (en incluant bien entendu la brise dont nous ignorons encore actuellement l'origine).
Enfin, que toutes les hypothèses émises à ce jour ne sont que suppositions bancales qui ne demandent qu'à évoluer (je songe d'ailleurs à me rendre prochainement au Conseil des Mages pour leur exposer mes découvertes sur le sujet), sous peine de nous faire stagner dans une bouillie scientifique dépourvue d'objectivité (je sais que je vais, une fois de plus, m'attirer leurs foudres, mais je crois fondamentalement être sur la bonne voie avec ce que j'avance ici).
J'ai bon espoir de voir progresser mes travaux sous peu et vous tiendrai au courant de mes observations, cher ami, dans un avenir proche.
Au plaisir de vous lire lors d'une prochaine correspondance!
En attendant, prenez grand soin de vous. Les temps sont peu sécuritaires depuis quelques cycles pour les Mages et les Scribes…
Voici un moment déjà que j'ai eu l'occasion de correspondre avec toi mais, comme tu as dû le comprendre, mon quotidien a connu quelques tumultes, allant jusqu'à mettre ma vie, ainsi que celle de mes apprentis, en grand danger.
Me voici donc de retour, à l'abri de toute menace et avec de nouvelles découvertes dont je te ferai part au fil de mes correspondances.
Au début de ma fuite, j'ai eu l'occasion de croiser le chemin d'un être étrange à visage de rongeur, les poches remplies de choses farfelues dont il m'a été impossible de déterminer l'utilité. Lors de notre bref échange (à peine le temps d'un dîner échanger dans une auberge miteuse), il a fait mention de récentes trouvailles qui ont eu le don d'attiser ma curiosité. L'une d'entre elles en particulier…
Devant mon insistance, il dégagea du fond de l'une de ses besaces (oui, il voyageait avec beaucoup de matériel) une bourse de cuir aux finitions remarquables, de laquelle il extirpa une pierre minuscule que je reconnus aussitôt : un fragment lunaire! Aussi rare que somptueux, qui luisait faiblement au creux de sa patte griffue, juste sous mes yeux.
À en croire ses dires, il était de plus en plus courant d'en découvrir dans la région (aux abords de la cité d'Elgora), mais également dans le nord de Lythuste, où quelques mercenaires avaient déjà fait fortune en les revendant à prix d'or.
Malheureusement, mes faibles économies furent insuffisantes pour en acquérir (à mon grand regret), mais je garde bon espoir de croiser sa route à nouveau.
En attendant, je poursuis mes recherches sur le sujet, offrant à mon esprit curieux un espoir de prouver la présence (même infime) de créatures détentrices de la magie originelle sur le Grand Monde.
À toi qui découvre ces quelques traits, gribouillés à la hâte sur un vieux parchemin inachevé.
Depuis quelques semaines, le temps d'assombri sur le Grand Monde. En tant que Mage (ou Scribe, car ils sont également concernés par la chose), il est devenu compliqué de circuler, tant les contrôles et les persécutions sont nombreuses.
On raconte que nombreux sont ceux qui ont été privés de leur liberté (ou de leur vie!), pour la simple et bonne raison qu'ils détenaient (et voulaient transmettre) le savoir des Anciens (comprenez ceux et celles qui ont bâti nos civilisations, dans le respect de tous et selon les lois livrées par les divinités).
C'est donc avec regret que nous allons quitter notre laboratoire, qui a vu tant de grimoires se remplir de nos découvertes.
Nous n'emporterons que peu de choses avec nous (pour ne pas attirer l'attention des patrouilles, bien entendu), mais sois rassuré, la plupart de nos travaux ont trouvé refuge là où les plus initiés pourront les trouver le moment venu.
Dans l'attente de pouvoir à nouveau t'écrire, prends soin de toi et de tes connaissances.
Il y a de cela quelques temps, et tandis que je cherchais à percer les mystères de divers textes anciens, je suis tombé sur une liste raturée, écrite en une langue qui m'était totalement inconnue. À priori, rien de bien extraordinaire mais, à y regarder de plus près, cet étrange énumération a fini par me glacer le sang. Zohariel, aussi intriguée que je l'étais alors, parvint rapidement à déchiffrer ce qui, à première vue, énumérait les divers endroits dévastés par les âges, les désastres naturels et les guerres en tout genre, mais d'une façon si atroce que chacun d'entre eux aurait pu être mentionné dans un grimoire démoniaque comme victoire glorifiante de gardien maudit.
Rapidement - et non sans en avoir la gorge nouée - je rangeais précieusement cette liste parmi les nombreux ouvrages de mon laboratoire, et je me jurai de ne jamais lui faire voir le jour à nouveau. Tant de sang avait coulé à cause d'elle, qu'il m'était impossible d'imaginer qu'elle aurait pu être bien plus longue, si toutefois les Mages n'avaient pas été persécutés en leur temps…
Les races du Grand Monde sont étranges et à l'origine d'atrocités que seule leur esprit est capable de limiter.
Soyons respectueux de ce que les divinités nous ont donné, et respectons ceux et celles qui ont lutté pour sa survie.
Une terrible nouvelle vient de nous arriver. Une horde de Harpies vient d'être aperçue le long des Montagnes de Lasgart et se dirige vers le centre du royaume de Thoragoste, à une vitesse fulgurante.
À l'heure actuelle, il nous est impossible de vous dire si ce mouvement est dangereux ou non, mais il est préférable de demeurer prudent et d'éviter toute sortie nocturne car, comme vous le savez sans doute, ces créatures sont assez susceptibles et n'hésitent pas à tuer tout être se plaçant sur leur route.
Selon nos messagers, elles seraient une centaine à tourner autour des plaines, bien loin de tout signe de vie.
Depuis les premières heures du monde, tous ont eu à cœur de se préserver des énergies négatives et des Démons. Pour se faire, de petites statuettes (pour les moins fortunés) étaient placées dans les maisons, près de la porte d'entrée.
Le visage tourné vers l'extérieur, celles-ci avaient pour vocation de tenir à distance tout ce qui pourrait nuire aux occupants du logis.
Selon le rang et la fortune de leur(s) propriétaire(s), ces protecteurs (faits de pierre, de bois ou d'argile) avaient des tailles variées, allant parfois jusqu'à atteindre plusieurs mètres de hauteur.
C'est ainsi que l'on en retrouve aux abords des domaines, des villes et des villages de Lythuste.
Il y a de cela quelques Gordas, il a été porté à ma connaissance que des ossements de Dragons auraient été découverts à proximité du Lac Bleu (sur le royaume de Lythuste donc), ensevelis à plusieurs mètres sous terre jusqu'à de récentes fouilles, menées par mon confrère Ygnacius et ses élèves.
Selon les premières estimations, ceux-ci dateraient de l'époque où les Elfes et les Dragons s'affrontèrent aux portes de Belnigera.
D'autres analyses sont en cours, afin de déterminer si ceux-ci contiendraient d'autres éléments utiles à la compréhension de notre Histoire (car, comme vous le savez probablement, cette période reste relativement floue, vu le peu d'ouvrages retrouvés en état).
Le temps nous dira si cette découverte nous éclaircira davantage sur ce sujet.
Cher ami,
Après quelques jours caché sous terre, j'ai enfin pu sortir et revenir à mon laboratoire. Malheureusement, il ne reste rien de mes recherches… Les parchemins et les grimoires ont été brûlés et les fioles renversées, réduisant à néant plusieurs années de travail.
Néanmoins, je me console en me disant que je suis toujours vivant, et que tout le Savoir (accumulé dans mon esprit) est préservé.
Il me faudra certes du temps, mais je pourrai retracer l'avancée de mes travaux sur de nouveaux rouleaux et remplir d'autres flacons.
J'ai demandé l'aide de ma scribette, qui a accepté de me seconder dans cette tâche.
C'est la peur au ventre que je m'adresse à vous aujourd'hui. Bon nombre de mes semblables manquent à l'appel à l'heure où je vous parle, arrêtés et emmenés par d'infâmes mercenaires issus de la région de Spandila, à l'Est du royaume de Lythuste.
Je n'ose m'aventurer sur les plaines, effrayé au moindre bruissement de branchages.
J'ai mis en sûreté mes écrits, et seule mon apprentie en connaît l'emplacement. J'entends des pas. Je vais me mettre à l'abri.
Priez pour que les dieux me préservent…
À très bientôt, je l'espère!
Nous venons d'apprendre qu'un nouvel accès à la Forêt Engloutie vient d'être découvert aux abords de Bludargonth! Il s'agit du quatrième ce Cycle.
À se demander si ces entrées secrètes ne changent pas de places (par magie, peut-être).
Quelques mages se sont rendus sur place pour analyser le phénomène, intrigués de savoir si seules les femelles (n'y voyez là aucun signe irrespectueux de ma part) de toute race sont toujours les seules à pouvoir se glisser sous la bulle protectrice des lieux.
L'avenir nous le dira!
Cela fait plusieurs jours que cela dure. Chaque fois, cette horreur me paraît plus proche, plus inquiétante que la vieille. Cela n'arrive qu'une fois la nuit tombée, lorsque tout le monde s'est retiré dans sa chambre.
Cela se développe toujours selon le même procédé. D'abord le vent. Plus puissant, qui frappe les vitres avec force. Ensuite l'orage. Il prend sa source au-dessus de la Mer de l'effroi, où les nuages sont si sombres qu'il est impossible de voir les lunes, et s'approche rapidement, pour venir mourir contre nos murs.
Les pas se propagent, les planchers craquent. Il m'est impossible de trouver le sommeil. J'ignore ce dont il s'agit, mais je préfère ne pas me risquer à passer le nez dehors. Je me contente d'attendre qu'elle passe devant ma porte et reparte dans les ténèbres d'où elle est sortie.
J'ai peur mais n'ose fuir. Il faut que le monde sache ce qu'il se passe ici. En tant que scribe, je me dois de le révéler. En espérant ne pas mourir avant d'avoir achevé ma retranscription…
Voilà, en quelques mots, le rêve bien étrange qui perturbe régulièrement mes nuits depuis quelques goulutes. Je n'en connais pas la signification, mais cela me laisse un goût amer dans la bouche à chacun de mes réveils. Je n'ose en parler au Maître. Il me prendrait pour une folle.
Peut-être devrais-je juste songer à diminuer le thé de Faragan…